CHEZ LES MALINKÉS DE KONKODOUGOU-KÉNIÉBA
La pratique du « helabito », une valeur de solidarité et d’entraide disparue.
Chez les malinkés de Kéniéba, la solidarité est une valeur sociétale assez manifeste se traduisant par la participation désintéressée de l’individu en faveur de ses semblables. Elle devient presque une obligation morale et chacun des membres de la collectivité se l’imposait en devoir. Venir en aide aux autres, c’est s’assurer un jour le retour de l’ascenseur. Le contraire serait une véritable disgrâce pour celui qui se détourne des autres.
Tout individu qui désobeit à cette règle de vie communautaire sera étiqueté et sur lui pèseront de lourdes sanctions pouvant conduire jusqu’à sa marginalisation. D’où la nécessité pour chacun sans distinction de sexe ni de confession de manifester son soutien et de se mettre volontier avec toute son énergie au service des autres.
C’est la raison pour laquelle dans le bon vieux temps, chez les malinkés de Kéniéba , les filles nubiles (xarafalu) s’organisaient en faveur d’une tiers personne pour le conforter dans son champ et cela de façon bénévole , sans salaire. Il suffit seulement pour la propriétaire (une femme ) du champ de préparer à manger aux braves filles. En effet, une femme qui sentant le poids des travaux champêtres l’envahir peut solliciter l’assistance d’un groupe de jeunes filles (xarafa) du village. Celles-ci alors se concertent et forment un groupe qui devra travailler durant une journée entière dans le champ de la demanderesse.
Cette initiative d’aller appuyer pour renforcer les capacités de l’autre est appelée « helabito » signifiant littéralement « renverser la calebasse » ). Cette pratique était à la fois saluée et appréciée par l’ensemble de la communauté en ce sens que l’acte révèle un sentiment d’humanisme, de solidarité et apporte un grand reconfort au bénéficiaire. Cette dernière, pour signifier sa reconnaissance, prépare un grand festin et convie toutes les filles l’ayant aidé en période hivernale.
Précisons que le « helabito » ne vise que des femmes mariées( musudinwolu) en faveur desquelles les jeunes filles s’organisent pour aller prêter mains fortes. Pour la circonstance, elle se font accompagner par un instrumentiste, joueur de tamtam. La pratique consiste à aller avec une calebasse chez la personne préalablement ciblée à qui les filles expliquent leur intention, celle de lui apporter leur appui. Ensuite, elles font renverser la dite calebasse puis se retournent après avoir convenu d’un chronogramme d’exécution. La calebasse devra rester en cet état jusqu’au jour où la femme chez qui elles ont travaillé organise un grand festin en leur honneur. Mais au lieu de les inviter à manger chez elle, la propriétaire du champ doit apporter le plat chez la respobsable du groupe( xarafa kuntigo). Alors en ce moment, on remet la calebasse dans sa bonne forme appelée « helawulo » contraire de « helabito ». Après s’être régalée les filles se préparent pour ramener à la cuisinière le recipient (he) ayant contenu le repas. Ce retour donne l’occasion à une grande réjouissance car c’est au rythme des chants et danses qu’une procession se dirige dans la famille de la cuisinière. Après de bons moment de détente , des bénédictions sont formulées de part et d’autre et l’on se disperse dans le secret espoir de se retrouver la prochaine récolte dans les mêmes circonstances de bonheur et de pleinitude.
Doundou KEITA, Chercheur en Culture et Civilisations des Malinkés de Kéniéba