Retour sur l’histoire de la fondation du village de Kouroukegny-Linguekoto
1. FONDATEURS
Deux familles sont à l’origine de la fondation du village de Linguekoto kouroukégny. Ce sont les Khontés répondant au patronyme de Kanouté et les « Koromagolu » répondant au patronyme de Soussokho.
Ces derniers, c’est à dire les Soussokho sont venus de Djigaly dans le village de Dombia. Leur ancêtre nommé KOLIBA Soussokho, voulant émigrer avec son clan vers les berges du fleuve falémé se fut prié par l’ancêtre des Kanoutés de stopper sa marche et de vouloir cohabiter avec lui. C’est ainsi qu’il s’établit auprès d’eux dans le hameau de Dagima construit sur les falaises du tambaoura . Dagima est le deuxième emplacement du village actuel de Linguekoto après celui de Hignan. Tous les deux ancêtres y vivaient en plein respect mutuel. Cependant de Dagima, les Kanoutés avaient déjà leurs champs au bas de la falaise mais n’y avaient pas construit des demeurres.
2. CONTEXTE de la FONDATION
L’idée de fonder un emplacement émana de l’ancêtre des Khontés qui s’appelait Maran Moussa Kanouté. Il fut le premier à defricher les terres de Linguekoto sans jamais faire des fondations. C’était un homme très savant , plongé dans le mysticisme. Un jour qu’il revenait de la chasse, il se reposa sous le pied d’un figuier qui se trouvait à l’actuel emplacement de la place publique. Là, il fut pris d’un profond sommeil et fit un songe qui lui révéla que ce lieu peut promettre le bonheur à ceux qui l’habiteront car le village sera très prospère.
C’est ainsi qu’il invita son voisin , l’ancêtre de koromagolu KOLIBA Soussokho à le rejoindre pour qu’ensemble ils puissent y établir des demeurres. Celui-ci consentit à la proposition. Mais il y avait un grand handicap car la condition édictée par les oracles pour poser la première motte de terre « borogo » en malinké devait aboutir à la mort inéluctable du premier qui déposera la première brique. Ainsi à chaque fois que les deux ancêtres et leurs familles respectives avaient fini de pétrir le banco argileux, il ne se trouvait personne parmi eux pour affronter le destin. Nul n’osait former la première boule de brique pour le déposer sur le plan de la fondation, chacun se rétractait et de cette manière, pendant trois jours consécutifs. C’est ainsi qu’ une femme nommée Soukhoba Sakiliba de la descendance des Soussokho ayant remarqué l’embarras des hommes leur demanda les raisons d’un tel comportement. On lui expliqua que les oracles sont très tranchants sur la mort inéluctable de celui qui oserait poser la première brique de la fondation. Or la crainte de mourir hantait les esprits et entravait les courages. Alors la bonne femme s’offrit volontier en haulocoste pour que le village de Linguekoto soit fondé. Elle prit le « borogo » et s’avança vers le lieu ou devait être construit la toute première case. Elle l’y déposa tout en assumant les conséquences qui allaient lui être plutard fatales. Mais aupparavant, elle avait prononcé des formules de mise en garde contre les deux clans en disant: 《Moi Soukhoba Sakiliba, j’offre ma vie en posant la première, la fondation du village de Linguekoto. Toutefois, je préviens les deux clans à savoir celui des Khontelu et du mien les koromagolu, que quiconque sera le premier à trahir l’autre ou à l’offenser d’une manière ou d’une autre sans raison justifiée encourra ma malédiction et trainera sa misère à jamais. Après ces propos l’ancêtre des Khontelu rétorqua positivement sur le champ, manifestant sa bonne foi en désignant comme chef de village son homologue des koromagolu et cela de génération en génération. Il écarta par là l’hypothèse qu’aucun khonté ne doit jamais ravir ce privilège de chefferie au Koromagolu car c’est en recompense de l’immense sacrifice d’une femme pour le bonheur commun. C’est ainsi que la chefferie échue aux mains des Soussokho mais les propriétaires terriens restent de loin les Khontelu dont l’ancêtre Maran Moussa fut le premier à explorer le site du village.
Aujourd’hui, trois siècles plutard la dépouille de Soukhoba , femme symbolique, mythique et légendaire repose dans un mausolée en tôle au milieu du village et les rites de célébration annuelle en son honneur »jalanno » ont repris il y’a trois ans.
DOUNDOU KEITA CHERCHEUR EN TRADITIONS MALINKÉES DE KONKODOUGOU-KÉNIEBA