L’appellation « Kari » ou jour du dimanche dans le calendrier Malinké
Dans la dénomination des sept jours de la semaine chez quelques peuples proto mandingue tels que les soninkés, les Malinkés, et les Bambaras, la plupart sont d’origine arabe par déformation phonétique. Cependant, les bambaras et les malinkés ont pu trouver un mot synonimique au septième jour purement originelle et n’ayant aucun lien avec une langue étrangère. Ainsi ce nom qui se dit en arabe Alhad devient Kaari en bambara et dimanche dans le calendrier grégorien.
Rappelons d’abord les sept jours de la semaine en langue malinké. Ce sont: Teninwo, talato, arabo, alamiso, jumo, sibito, alahado. Ces jours correspondent au calendrier grégorien à savoir: lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche. À ce dernier jour du dimanche appelé « Alahado », correspond l’appellation originelle de « Kari » ou « karilunwo ». Intéressons-nous à ce dernier nom et à ses origines lointaines.
Est ce à dire que les noirs furent incapables de trouver des appellations propres et spécifiques pour nommer les sept jours dans leurs langues autre que celles empruntées à l’arabe? Pas du tout seulement que les premiers intellectuels africains quoique ayant fait leur preuve n’ont pas réfléchi à cet aspect de la question d’un calendrier proprement nègre. Aujourd’hui les partisans de l’alphabet 《NKO》 ont fait beaucoup de progrès louables.
Tout d’abord l’expression « kari » est d’origine soninké signifiant étymologiquement « tuer ». Ce qui renvoie donc une idée d’atrocité et de violence. Mais ce mot une fois passé dans la langue malinké subira une forte évolution sémantique si bien qu’il a revêtu un sens complètement nouveau . C’est ainsi que chez les malinkés, tout comme chez les bambaras, le mot « Kari » soutend la témérité, le risque, l’audacité et la détermination dans les actes ou les engagements. Ce trait de caractère qui est » Kariya » permet à l’individu de braver volontairement le danger pouvant mettre en péril sa propre vie ou celle d’autrui.
Le mot « Kari » en soninké s’apparente à « Kasappe » issu de la même famille signifiant: épais, costaud, énorme. Il ya une transmutation semantique c’est à dire qu’ un mot peut perdre son sens étymologique en passant d’une langue à l’autre tout en revêtant un sens nouveau. C’est ainsi que le mot « Kari » en passant du soninké au malinké perdra sa signification première de « tuer ».
Alors si aujourd’hui on voudrait engager le malinké à braver un obstacle dont il ne peut surmonter, il objectera en disant « nkari » ou « nkari kari » ( je n’oserai, je n’oserai ) en signe d’objection ou de désapprobation..
Il y’a donc une idée de peur qui anime la personne devant l’acte qu’il voudrait poser mais si cette peur était vaincue, l’intéressé posera les actes sans en mesurer les conséquences.
Alors, en lien avec la croyance populaire « Kari » est interprété comme étant un jour lourd de conséquences. Tout ce qu’on entreprend ce jour là peut avoir comme résultat la démesure (xa huma) qu’il soit en bien ou en mal. Les malinkés disent : « karilunwo mu lun humalinwo le ti » (Le dimanche est lourd, pesant, costaud) et c’est à juste raison que le dimanche est considéré comme un jour où il est préférable d’entamer les grands projets ou les grandes entreprises de notre vie.
Doundou KEITA, Chercheur en Culture et Civilisation du Peuple malinké de Kéniéba.